2 graines obtenues en Afrique du Sud puis semées sans prétraitements le 13 avril 2010, dans une serre, 2 germinations 4 semaines plus tard et 2 plantes qui ont décidé de fleurir cette année.
Voici donc des
Pelargonium nephrophyllum. Ils ont été photographiés le 22 décembre 2012. Et on va être plus dans le domaine de la curiosité que d’autres choses.
Ben oui !
Pelargonium nephrophyllum est un petiot. Et un petiot classé dans la fameuse section
Hoarea. C’est une plante très rare, protégée et probablement en voie de disparition alors qu’elle poussait en abondance il y a de cela quelques années. On aurait même pu ne jamais en entendre parler puisque ce
Pelargonium n’a été découvert et identifié qu’en 1992.
Mes graines provenaient de plantes cultivées dans un jardin en Afrique du Sud. Ce qui n’est pas gênant dans la mesure où cette espèce a conservé ses caractéristiques.
Enfin ..... presque ! Voilà encore des pélargos qui n’ont pas compris que cela ne sert à rien de s’allonger pour chercher la lumière. On est en Lorraine, et la lumière du soleil,
..... faut faire sans !
Normalement, sa taille est comprise entre 5 et 12 cm. en fleurs. Pas plus ! Avec
Pelargonium campestre, il est le plus petit
Pelargonium connu au monde. Ceux que je présente font dans les 18 cm de hauteur.
Pour avoir une idée plus précise (ou réelle) de sa taille, on pourra consulter le site de la Société japonaise des plantes succulentes avec ce lien.
http://www7a.biglobe.ne.jp/~JSS/succu-phpto/pelargonium/nephrophyllum02.htm
Et pas de fantasmes sur le tubercule, l’image est trompeuse car il ne dépasse pas 25 mm de diamètre. Toujours sur le tubercule, c’est une erreur que de le mettre à l’air. Il est toujours sous le niveau du sol.
Les pseudo-ombelles sont composées de 3 à 7 fleurs dans une parfaite symétrie. Les pétales ont des teintes qui varient du rose pâle au rose saumon, avec des marques plus ou moins orangées. Question dimension, pas besoin d’une loupe,
mais ..... les pétales ne dépasseront jamais 15 mm en longueur, et pour leur largeur, 8 mm pour les supérieurs et 3 à 4 mm pour les inférieurs. Ben oui .....
En gratouillant un peu dans le gravier, j’ai trouvé une nouvelle tige florale .....
Si si ! Y a pas de doutes. Là, j’ai sorti la loupe. C’est sûr que cette prochaine floraison n’est pas pour demain. Par contre, je ne crois pas qu’une floraison décalée à ce point sur une même plante soit courante chez les
Hoarea.Peut-être qu’il y a un message subliminal dans ce comportement
, ..... du genre « Hé ! Qui c’est qui s’occupe de ma pollinisation ? » ..... du coup,..... j’ai préparé les pinceaux.
Si ces
Pelargonium sont en voie de disparition, c’est déjà parce que leur aire de répartition est minuscule. On ne les trouve que sur quelques pentes pierreuses à l’étage collinéen ainsi que sur des plateaux sablonneux situés à l’ouest des montagnes de Matsikamma, près des villes de Vanrhynsdorp et de Klawer dans le nord du Cap-Occidental. Un endroit aride, chauffé à blanc par un soleil de plomb, et qui est un paradis pour les plantes succulentes de petite taille. A tel point que la région du Cap-Occidental dans sa globalité abrite1/3 des plantes succulentes naines au monde.
Question environnement, c’est une catastrophe. Cette région possède le triste record du plus grand nombre d’espèces en voie de disparition au monde. Et donc, mon petit
Pelargonium ..... il est dans le lot.
Voici quelques chiffres extraits des statistiques nationales d’Afrique du Sud sur la flore du Cap-Occidental.
Sur les 10630 taxa répertoriés, 1771 sont directement menacés d’extinction. Soit 16,6% de la flore.
Si on ajoute les plantes rares et celles qui sont déclinantes, on arrive à 3046 taxa. Soit 28,6% de la flore.
Dans cette région, l’endémisme est énorme. Ce ne sont pas moins de 6624 taxa qui ont été répertoriés.
Sur ces 6624 taxa, 1695 sont directement menacés d’extinction. Soit 25.6% du total.
Sur le même principe que précédemment, si on ajoute les plantes rares et celles qui sont déclinantes, on arrive à la « bagatelle » de 2878 taxa, soit 43,4 % de cette flore si particulière.
Et je ne compte pas les 24 espèces qui ont totalement disparues ces derniers temps. Mais peut-être sont-elles encore cultivées dans nos jardins .....
Les raisons de ces extinctions et menaces sont classiques. Dans le cas de ce
Pelargonium nephrophyllum, eh bien, il faut dire que les terres où il prospère conviennent à la culture du blé et à l’implantation des vignes. Ben oui ! Faut bien manger et faut bien boire.
Au sujet de l’implantation des vignes. Elle a été boostée par la libération de Nelson Mandela en 1990 ..... En fait, sa libération a provoqué la fin de l’Apartheid et donc, du boycott international qui lui était lié. Si j’ajoute qu’outre les autochtones, les anglais et les allemands adorent ces breuvages exotiques
.....
Vu du ciel, on voit ces fameuses zones cultivées. À l’est de Klawer.....
Près de la ferme Sandkraal.....
Et puis, près de Klawer, le surpâturage sur des sols sablonneux provoque une forte érosion. On peut en voir les dégâts avec ce lien. http://www.colinpatersonjones.co.za/gallery3/var/albums/050107CPJ28ed.jpg?m=1344954288
Dans ce coin, les précipitations annuelles ne sont comprises qu’entre 100 et 200 mm. C’est dire leurs violences.
Bien sûr. Ces zones ne sont pas prises au hasard. Le peu de
Pelargonium nephrophyllum présents dans les herbiers proviennent précisément et uniquement de ces endroits.
Ce
Pelargonium est très étrange et je vais vous faire partager quelques-uns de ses secrets.
Déjà, son cycle de végétation est unique dans le genre. Alors que la grande majorité des
Pelargonium de la section
Hoarea fleurit après la fanaison du feuillage, celui-là commence sa floraison avant l’apparition des feuilles. Il est donc plus préoccupé à faire des graines que d’emmagasiner des réserves au niveau de sa racine, vu que c’est une plante géophyte. Ce petiot a bien compris que dans le milieu hostile dans lequel il vit, il vaut mieux privilégier sa descendance plutôt que de s’occuper de son bien-être. De toute manière, avec les feuilles que Dame Nature l’a affublé
..... C’est peut-être aussi la raison pour laquelle la germination de ses graines est si facile à obtenir.
Je ne l’ai pas photographié à ce moment-là, mais c’est assez bizarre de voir 2 petites tiges toutes grêles émerger verticalement du sol lorsque qu’il quitte sa dormance. Dormance qui est interrompue par la saison des pluies, qui, dans cette région, sont hivernales.
Autre particularité, il quitte cette dormance tardivement. C’est qu’il n’est pas pressé d’aller voir ce qui se passe au-dessus du niveau du sol. Il n’est en végétation (visible) que de fin février à fin avril. (chez lui, dans l’hémisphère sud) Cela explique en partie le peu d’information que l’on possède sur ce
Pelargonium et notamment au niveau des herbiers. Il parait que, dans cette région, cette période de l’année n’est pas propice à botaniser. Peu d’espèces sont en fleurs. Je crois aussi que pour les détecter sur des sols sableux ou sur des terres rouges, ..... faut se lever de bonne heure.
Je n’ai pas de documentation sur ce sujet, mais il se pourrait fort bien que ce
Pelargonium soit inféodé à un seul insecte pollinisateur, uniquement présent à cette époque de l’année. Une dépendance qui n’arrangerait rien pour sa pérennité.
Le feuillage est également unique dans cette section de
Pelargonium. On l’aura deviné à son épithète, ses feuilles sont en forme de reins. C’est le seul chez les
Hoarea qui sont plus de 60. De tous petits reins. De minuscules reins. Les feuilles longuement pétiolées ne dépasseront jamais 25 à 27 mm, aussi bien en largeur qu’en longueur.
3 ou 4 semaines après l’éclosion des premières fleurs, une feuille s’est formée. Juste pour me contrarier dans ma présentation. On va dire que c’est l’exception qui confirme la règle.
Par rapport aux limbes, les pétioles sont très long, jusqu’à 8 cm, pour un diamètre d’1 mm. Dès qu’ils naissent sur le tubercule, ils rampent à même le sol, (histoire de ne pas trop s’épuiser) et puis, brusquement, ils s’érigent verticalement, fiers de montrer leur feuille. Généralement, ce tour de force a lieu à mi longueur.
De plus près .....
Ce n’est pas de la poussière que l’on voit ..... ce sont des poils microscopiques. Sinon, le revers des feuilles est pourpré.
Un dernier petit truc. Ces
Pelargonium aiment les sols calcaires, mais, pour le moment, je les ai laissés dans leur pot de semis dont le substrat est plutôt neutre. (ph de 6,5) Environ 5 volumes d’un terreau de plantation, avec 3 vol. de sable de Moselle assez fin et 8 vol. de gravier dans des graduations progressives. Ils ont l’air d’apprécier.
Alors ! L’est-y pas curieux ? Ce tout petit pélargonium ?
......