Un article de l'AFP du 10/11/08
"Après des siècles d'oubli, le safran refleurit sur les collines toscanes
Après des siècles d'oubli, les crocus violets renfermant le précieux pistil de safran sont de nouveau cultivés sur les collines toscanes de San Gimignano (centre de l'Italie), un retour aux sources pour cet "or rouge" qui faisait office de monnaie locale au Moyen-Age.
Midi sonne à la ferme du Vecchio Maneggio (Le Vieux Manège): cinq personnes prennent place autour de la table de la salle commune où des centaines de fleurs mauves, cueillies encore fermées au petit matin, commencent à s'ouvrir doucement.
Jusqu'au soir, les mains expertes vont patiemment extraire de chaque petit crocus les trois filaments rouges qui deviendront du safran, principalement utilisé pour la cuisine mais aussi la teinture ou encore certains médicaments.
"Une machine ne pourra jamais remplacer ce travail de l'extraction, laborieux, délicat et surtout très long. Pensez qu'il faut 125.000 fleurs pour faire un kilo de safran!", explique Paolo Pieraccini, qui exploite le Vecchio Maneggio avec sa soeur Tiziana.
Une fois retirés du coeur de la fleur, les fragiles pistils sont séchés au four toute la nuit à 45°C, une opération qui leur fait perdre 80% de leur poids. Ils sont ensuite emballés dans des petits sachets de 0,1 gramme vendus 3,50 euro soit... 35.000 euros le kilo: le safran toscan n'a pas volé son surnom d'"or rouge" conquis au Moyen-Age.
A cette époque où l'épice déjà prisée, les champs de "crocus sativus" s'étalaient à perte de vue autour de San Gimignano et le safran servait de monnaie d'échange pour le commerce et les transactions immobilières.
Les bénéfices tirés de sa vente ont même servi à la construction des fameuses tours médiévales qui hérissent le bourg de San Gimignano, visibles à des kilomètres à la ronde et qui attirent des foules de touristes.
Au XVIIe siècle, l'âge d'or de l'épice toscane prend fin, en raison notamment de la concurrence du safran français de moindre qualité et de prix inférieur qui commence à être importé en Italie. Sa culture décline jusqu'à disparaître presque complètement.
Quelques familles continueront cependant de perpétuer au cours des siècles cette culture traditionnelle pour leur consommation personnelle, comme au Vecchio Maneggio où Tiziana Pieraccini décide en 2001 de se lancer dans une production à plus grande échelle et de remettre au goût du jour le précieux condiment.
Sept ans plus tard, cette quadragénaire est la principale productrice de safran de San Gimignano - un demi-hectare cultivé - et une vingtaine d'autres petites fermes de la commune ont suivi son exemple.
L'épice a même été certifiée DOP (l'équivalent du français Appellation d'origine contrôlée) en 2005 en raison de sa "pureté", de son goût puissant et de son pouvoir colorant.
"Nous avons énormément de demandes, notre production part rapidement. Cela fait six mois que nous n'avons plus rien en stock! Mais le safran est aussi l'épice la plus contrefaite au monde, surtout lorsqu'elle se présente en poudre: on mélange allégrement tout et n'importe quoi, même de l'argile", déplore Tiziana Pieraccini.
La récolte 2008, qui s'étale sur quelques semaines entre octobre et novembre, devrait être plutôt bonne, prévoit son frère Paolo, "même si nous ne devrions pas battre notre record absolu de 1,38 kilo de safran".
Depuis peu, le Vecchio Maneggio peut aussi compter sur une main-d'oeuvre un peu particulière: les détenus de la prison de San Gimignano, auxquels Paolo a enseigné les secrets de la culture du safran et dont plusieurs rangées ont été plantées à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire.
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